Chroniques

par laurent bergnach

Le jeune sage et le vieux fou
opéra-comique d’Étienne-Nicolas Méhul

BnF François-Mitterrand / Grand Auditorium, Paris
- 7 mars 2017
Le jeune sage et le vieux fou, opéra-comique de Méhul à la BnF Mitterrand
© les monts du reuil

« Comment, dira-t-on, les Français sont-ils à ce point oublieux de leurs gloires nationales, qu’il faille déjà leur rappeler quel fut l’auteur d’Euphrosine,à quelle époque il vécut, le titre de ses œuvres et le style de ses compositions ! » Qu’écrirait aujourd’hui Berlioz, lui que désolait l’inculture d’une nouvelle génération de mélomanes, trois décennies seulement après la mort d’Étienne-Nicolas Méhul (1763-1817) ? L’Ardennais, venu parfaire ses études musicales à Paris et bénéficier des conseils de Gluck, a bel et bien disparu de nos scènes, lui et ses trente-cinq ouvrages lyriques. Or, à la faveur d’un bicentenaire et à l’instar d’autres contemporains de la Révolution (Dauvergne, Catel, Gossec, etc.), on redécouvre l’auteur de Joseph (1807), Uthal (1806) et Stratonice (1792) [lire notre chronique du 21 février 2017].

Le 28 mars 1793, le public du Théâtre Favart (Paris) savoure Le jeune sage et le vieux fou, comédie en prose « mêlée d’ariettes » conçue en collaboration avec François-Benoît Hoffmann – déjà librettiste d’Adrien, l’opéra de Méhul (1799) reporté de plusieurs années pour cause de polémique politique. Dans cet acte unique révisé en 1801, tout oppose le vieux Merval, « sexagénaire qui ne pense qu’à s’adoniser », à son fils Clinton, pédant de seize ans qui résume le mariage à une formule économique (nature + société = + de citoyens) et donnerait l’Encyclopédie à sa femme pour seule distraction. Avec l’arrivée de la jeune Rose et de sa tante Élise, tout s’enclenche pour donner un cœur à ce jeune insensé – « et le pire de tous, ajoute son père, car tu es triste ».

Fondé en 2007, et déjà originaire d’une renaissance de Raoul Barbe-Bleue (Grétry, 1789) [lire notre chronique du 13 mai 2016], l’Ensemble Les Monts du Rueil défend cette rareté préromantique – qualifiée d’« espèce de vaudeville mesquin » par l’auteur d’Harold en Italie, ici moins enthousiaste… En chorégraphe et scénographe soucieux de dynamiser une intrigue maigrelette, Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola modifie l’espace sans cesse, à l’aide de cinq panneaux amovibles au verso miroitant. Il mise aussi sur la dizaine de musiciens qui, tout en jouant dans un grand esprit d’écoute, occupent des places variables au fil du spectacle (souvent par quatre, autour d’une table) et s’indignent d’un fêtard chenu qui fait la noce jusqu’à l’aube !

Autour des directrices musicales Pauline Warnier (violoncelle) et Hélène Clerc-Murgier (clavecin), on apprécie donc Valérie Robert, Patricia Bonnefoy (violon), Jean-Pierre Garcia (alto), Éric Lancelot (contrebasse), ainsi que des confrères en poste à l’Opéra de Reims, coproducteur du spectacle : Louise Bruel (flûte), Vincent Martinet (hautbois), Jean-François Angelloz (basson) et Gérard Tremlet (cor). Même si l’on repère ici des notes écrasées, là des soucis de placement, il faut applaudir un sens du comique et une diction projetée qui réjouissent sans nous perdre chez nos quatre solistes : les soprani Hadhoum Tunc (lumineux Clinton), Anne-Marie Beaudette (souple Rose), Antonine Bacquet (Élise colorée) et le ténor Denis Mignien (Merval sonore).

LB